L’œuvre graphique de Rudolf Haas, qui se développe depuis les années 1980 se décline en plusieurs étapes. Dans la série des « lettres éclatées », un amoncellement de lettres, entassées, emmêlées, assorties parfois de chiffres, dévalent sur la feuille de papier, en mouvements ascendants, débridés, libres, parfois dans un champ partiellement défini. Divers éléments, sens dessus dessous, aux jambages cerclés à l’encre ou à la mine de plomb, s’enchevêtrent en sarabandes aux sonorités multiples. Ici et là un mot, un fragment de phrase identifiable émerge des profondeurs. On y reconnaît aussi des caractères se rapportant au nom de l’artiste, « R », « H », « A », « S », comme pour affirmer son « moi » profond.
Rudolf Haas exécute également des dessins « fragmentés », à l’encre et à l’encre de Chine. Composés d’espaces géométriques, de forme carrée ou rectangulaire, ils structurent la feuille de papier, de lignes verticales et horizontales tracées à main levée. A la manière d’un damier ou d’un jeu d’échecs, comportant de temps-à-autres des zones ombrées, des traces, des hachures, des lettres, rehaussés de quelques touches de couleurs ou de signes sur fond coloré, ils s’inscrivent en une série d’une originalité et d’une étonnante puissance expressive.
Des feuillets de carnets miniatures, véritable révélation de tout un pan du travail de Rudlof Haas, ont été gardés secret jusqu’à ce jour. Au pastel, à l’encre, au fusain, au crayon, à la peinture, les plus récents, couvrant les années 2010 à 2013, sont une succession de motifs les plus divers, de portraits, d’autoportraits aux lignes furtives, effacées, comme pour masquer le trouble d’années difficiles.
Jeux du présent et de l’absent, de l’espoir et du désarroi, de la spiritualité et de la transcendance, les tracés de ces dessins se fondent et se confondent en une sorte de beauté et de liberté sublimées. Une force mystérieuse émane de ces œuvres minuscules qui, en dépit de leur taille, sont d’une monumentalité stupéfiante dans leur réalisation et leur signification. Parmi elles, de véritables chefs d’œuvre, que je qualifierais de « monumental », une expression empruntée à Picasso lorsqu’il vit pour la première fois les minuscules sculptures d’Alberto Giacometti…
Rudolf Haas, né à Vienne en 1937, autodidacte, vit et travaille dans la région lémanique. Il expose régulièrement à travers le monde depuis 1976. Un magnifique ouvrage, sous forme de corpus des dessins, intitulé Rudolf Haas, Zeichnungen, Dessins, Drawings 1947-2013, (470 pages), publié chez Editore Libreria Bocca, Milano, Italie, 2014, est disponible à la galerie.
En couverture : Zéro, Zéro, 1984; technique mixte, 50 x 36 cm
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